POSES LENTES ET FILTRES GRIS
C. Vassallo & A. Marie (septembre 2011)
Les filtres gris sont destinés à réduire la sensibilité des appareils afin de pouvoir augmenter le
temps de pose jusqu'à des valeurs de l'ordre de la seconde ou davantage. Il faut d'abord avoir
une idée du temps de pose qu'on veut utiliser.
Il faut monter à des temps de 30 à 60 secondes pour obtenir le genre d'image ci-dessus
popularisé en N&B par Michael Kenna.
C'est long, mais il
faut ça pour fondre le mouvement des vaguelettes en une matière nacrée totalement irréelle ;
un temps plus court créerait simplement un flou de mouvement.
Sur des sujets avec des rythmes plus rapides, comme
l'eau du ruisseau ci-contre, on peut obtenir un effet
analogue avec des temps nettement plus courts (de 1 à 5
secondes)
Enfin, bien entendu, si on ne cherche qu'un simple filé
de mouvement, on peut se contenter d'opérer avec un
temps beaucoup plus bref, de 0,1 à 1 seconde.
Pour bien situer la difficulté technique, il faut se rappeler qu'une pose correcte sous le soleil
correspond à peu près à 100 ISO, f/16, 1/100 sec. Pour augmenter le temps de pose avec un
appareil numérique, on ne peut pas agir sur les ISO et on ne peut pas aller bien loin en jouant
sur le diaphragme. Passer à f/22 ne ferait gagner qu'un facteur 2 sur le temps de pose ; on est
loin du compte. Par ailleurs :
- on augmente aussi la profondeur de champ et ce n'est pas toujours ce qu'on voudrait.
- on fait ressortir les poussières et taches déposées sur le capteur
- on perd en résolution à cause de la diffraction.
Bref, il ne faudrait pas fermer à plus de f/8 ou f/11. On a donc un vrai problème.
Les filtres gris apportent la solution en diminuant la lumière qui atteint le capteur ; pour
retrouver une pose correcte, on doit donc multiplier le temps de pose par un certain facteur.
Dans le commerce on les désigne souvent par l'appellation NDxx, où « xx » est ce facteur
multiplicatif (par exemple, un filtre ND400 multiplie le temps de pose par 400). La firme
B&W préfère utiliser des noms comme « BW10x » où
« x » est la variation équivalente pour
le diaphragme, c.à.d. qu'un filtre BW106 équivaut à un diaphragme fermé de 6 crans, comme
le ferait un ND64 (qui n'existe pas, autant que je sache). Pour passer de 1/100 sec à 1 sec, il
faut donc quelque chose comme un ND100 ou un BW106; un ND1000 ou un BW110
porterait le temps de pose à 10 sec.
Le tableau ci-dessous donne ansi les facteurs multiplicatifs des filtres qu'on peut se procurer dans le
commerce et le temps de pose qu'on aurait sous un grand soleil à f/11 :
filtre |
BW102 ND4 |
BW103 ND8 |
BW106 - - |
BW110 - - |
- - ND400 |
- - ND1000 |
Allongement de la pose |
4 |
8 |
64 |
1024 |
400 |
1000 |
Temps de pose sous soleil à f/11 |
1/50 |
1/25 |
0,3 |
5 |
2 |
5 |
On voit que les temps de pose affichés dans la dernière ligne ne sont pas très longs. Pour aller
au delà, il faudra
- soit opérer avec une lumière plus faible, par temps couvert ou au soleil couchant
- soit superposer deux filtres. On peut très bien visser un ND-8 sur un ND-400 et faire
ainsi passer le temps de pose du tableau à 16 sec.
Si ça ne suffit toujours pas, et si le sujet s'y prête (paysage), vous pouvez faire une série de
poses identiques que vous combinerez dans photoshop ou équivalent. Il faudra caler toutes ces
poses dans autant de calques superposés, puis ajuster les opacités de ces calques ; en
remontant à partir du bas :
100% pour le calque d'arrière-plan
1/2 = 50% pour le calque no 2
1/3 = 33% pour le calque no 3
1/4 = 25% pour le calque no 4
etc.
et on aplatit le tout. On aura ainsi multiplié le temps de pose d'une des images par le nombre
total de calques
Utilisation en mode manuel
On met l'appareil sur pied et on passe en mode manuel.
- On commence sans le filtre. On cadre, on fait la mise au point, on choisit le
diaphragme et on relève le temps de pose.
- On multiplie ce temps de pose par le facteur de conversion du filtre. Par exemple, si on
part de 1/15 sec et qu'on a un ND400, le temps de pose devrait passer à 400/15=27
sec ; en pratique, on le mettra à 30 sec.
- On met le filtre en place le plus délicatement possible pour ne pas compromettre le
cadrage et la mise au point.
- On déclenche le plus doucement possible (avec une option de miroir relevé si
possible)
- Après la prise de vue, on vérifie l'histogramme et, éventuellement, on corrige
l'exposition pour bien cadrer l'histogramme à droite et on recommence.
Utilisation en mode automatique
On peut aussi opérer en mode automatique de priorité à l'ouverture. On choisit le diaphragme
et l'appareil ouvre la pose jusqu'à ce qu'il estime qu'il a reçu assez de lumière. La difficulté
évidente est qu'on ne voit rien dans le viseur avec le filtre en place ; on a deux manières d'y
faire face :
- comme précédemment, on peut cadrer et faire la mise au point sans le filtre. Il faut
alors passer en mise au point manuelle pour ne pas se décaler, puis mettre le filtre en
place et déclencher
- si on dispose d'un mode liveview, on pourra généralement y voir assez bien pour faire
le cadrage et la mise au point à travers le filtre (surtout si on dispose d'une fonction
d'assistance à la mise au point)
Comme précédemment il faudra vérifier ensuite l'histogramme de la photo et, éventuellement,
recommencer après correction de la pose.
En général, l'appareil aura tendance à sous-exposer, parfois très fortement. Une raison pour
cela est qu'il y a de la lumière parasite qui entre par le viseur et qui vient perturber les cellules
chargées d'évaluer le temps de pose ; il sera alors impératif d'obturer le viseur pendant la
prise de vue. Il semble toutefois que cela ne soit pas toujours suffisant et on revient donc à
l'importance de vérifier l'histogramme après la prise de vue.
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