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Gestion de la couleur
et Fuji Frontier

Faute de mieux, passez en sRGB !

Plusieurs des photographes commerciaux à proximité de notre club sont équipés d'une machine Fuji Frontier offrant des tirages très rapides — et très flatteurs — de fichiers numériques, depuis le 10x15 jusqu'au 25x38, sur un papier photo «Fuji Crystal Suprême» avec un glacé superbe. Cette machine est aussi largement répandue chez les tireurs en ligne (photoweb, photoways, etc.)

Le problème est que cette machine ne tient aucun compte du profil ICC embarqué dans l'image, mais seulement des RVB des différents pixels de l'image. Or, ces RVB changent quand on passe d'un profil à l'autre ; la même couleur jaune ou rouge sera traduite par des RVB différents selon qu'on prépare l'image sous un profil sRGB ou Adobe-98. Le résultat est que l'image imprimée changera si on change le profil sous lequel on la prépare.

En plus, cette machine offre deux modes de fonctionnement,
— un mode «sRGB», mode par défaut,
— et un mode «PrintDirect», qui garantit que les RVB de l'image ne seront pas modifiés, mais qui n'est pas toujours accessible au client (surtout sur le web)

 Impressions après conversion dans
le profil Fuji Frontier
le profil sRGB (en mode sRGB)
le profil sRGB (en mode PD)
le profil AdobeRGB(1998)
Image originale


La figure ci-contre montre ce qui arrive à une même image (des fragments de l'image utilisée dans les tests d'www.photo-i.co.uk) selon qu'on l'a préparée sous le profil sRGB, Adobe-98 ou selon un profil spécifique «Fuji Frontier» dont nous parlerons plus loin.

Passez la souris sur l'un des liens en dessous de l'image pour comparer ces rendus (ou cliquez dessus pour changer l'image de référence). L'image «originale» est directement obtenue du fichier de départ, tandis que toutes les autres proviennent de scans des impressions correspondantes. Plus de détails sur l'obtention de cette figure ici.

Vous devriez convenir que l'image la plus proche de l'image originale est celle qui a été mise sous le profil «Fuji Frontier». Ensuite vient celle qui a été mise sous sRGB et imprimée en mode «sRGB», puis l'image en sRGB et imprimée en «PrintDirect», tandis que l'image sous Adobe-98 a des couleurs sérieusement éteintes par rapport aux autres.


Le conseil général, si on ne peut pas faire faire mieux (c.à.d. utiliser le profil spécifique de votre Frontier), est de préparer vos images dans le profil sRGB et de les faire imprimer sur la Frontier sans rien préciser de spécial, c.à.d. en la laissant dans son mode par défaut sRGB.

Bien entendu, vous pouvez travailler vos images dans l'espace qui vous plaira, Adobe RGB-98, par exemple, mais il faudra les convertir en sRGB (avec conservation des couleurs) avant d'aller les faire imprimer. Il serait encore mieux de les convertir dans le profil «Fuji Frontier» de votre imprimeur, mais encore faut-il se procurer ce profil ; nous en parlons plus loin.
 

On peut tout de même faire mieux que de rester en sRGB

Soulignons-le, on peut faire mieux que de rester en profil sRGB. Il arrive qu'on s'écarte de l'original bien davantage que ce qu'on a pu voir dans la comparaison précédente. La reproduction de certains jaunes, notamment, est parfois délicate, comme le montre la figure suivante, tirée d'un fragment de l'image de test de Pixl. Les teintes imprimées après conversion dans le profil Frontier sont bien plus proches de l'original que celles qui auront été converties en sRGB.

Attention également, quand on a préparé ses images en sRGB, à ne pas demander une impression en PrintDirect. Cela paraît peut-être une idée saugrenue, mais j'ai longtemps fait cette confusion — d'où son apparition dans la première illustration de cet article ; autant essayer de l'éviter à d'autres. L'effet général est d'assombrir les tons sombres et d'accentuer certaines dérives de couleur comme dans le cas des jaunes ci-dessus.

 

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Faut-il supprimer les exif ?

Le mode «sRGB» cache un autre piège latent. Quand on fait imprimer des images JPEG dans ce mode (qui est le mode par défaut proposé aux clients, répétons-le), la machine peut prendre sur elle d'appliquer des retouches automatiques sur la contraste, la saturation, etc... en se basant sur certaines métadonnées EXIF présentes dans le fichier, ce qui peut donner des résultats inattendus.

On trouve très peu d'informations sur ce risque. Il doit dépendre du mode de prises de vues que l'on pratique, mais si on travaille en priorité vitesse ou diaphragme, je ne vois pas très bien ce qui pourrait donner lieu à interprétation dans les métadonnées des images.

En principe, ces corrections ne seraient pas appliquées si le logiciel de la Frontier détecte que l'image a déjà été traitée dans un logiciel graphique, mais il semble que cette détection ne fonctionne pas toujours très bien. Et puis, si on a simplement ouvert l'image et jugé qu'elle était très bien comme ça, on peut très bien l'envoyer telle qu'elle à l'impression et la voir revenir avec des corrections non demandées. Egalement, les versions les plus récentes du logiciel de la Frontier offrent des options pour inhiber ces corrections, encore faut-il avoir un interlocuteur qui comprendra de quoi vous parlez et qui mettra ces options en œuvre...

Il semble donc assez prudent de supprimer ces métadonnées EXIF. Si on propose ses images au format JPEG, on pourra faire appel à l'un des nombreux utilitaires de manipulation des données EXIF (comme Metastripper ou Exif Tag Remover pour Windows, ou SmallImage pour MacOS). Une alternative est de recourir au format BMP pour les images ; ce format n'accepte quasiment pas de métadonnée, mais il ne comprime pas et conduit donc à des fichiers très gros qui ne seront pas toujours acceptés par les imprimeurs.

 

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Les deux profils ICC de la Frontier

On peut voir la Frontier en mode sRGB comme l'ensemble d'une unité d'impression et d'une interface logicielle chargée de restituer au mieux les images arrivant avec un profil colorimétrique sRGB, interface qui serait court-circuitée dans le mode PrintDirect. La même machine apparaît ainsi comme deux imprimantes différentes selon qu'on est dans un mode ou dans l'autre, chacune avec son propre profil ICC.

Nous n'avions pas mentionné cette complication à propos du profil Fuji Frontier évoqué autour des figures précédentes. Pour ne rien cacher, il s'agissait du profil établi en mode PrintDirect, mais nous serions arrivés aux mêmes conclusions pratiques avec l'autre profil, qu'on a toujours de meilleurs résultats avec ces profils.

Comment se procurer ces profils ? On peut chercher des profils génériques dans la documentation en ligne de Fuji, mais il y a Frontier et Frontier et il n'est pas évident d'y trouver son chemin. Plus simple, quand on passe par un imprimeur en ligne, est d'en choisir un qui donne directement le profil de sa propre machine, comme Photoweb (dans ce cas, cela n'est pas précisé mais il s'agit d'un profil en mode sRGB). Enfin, bien évidemment, on peut parfaitement relever ces profils soi-même comme on le ferait avec n'importe quelle autre imprimante, et c'est ce qu'on aura intérêt à faire si on s'adresse à un photographe de quartier — c'est aussi généralement le moyen d'accéder au mode PrintDirect qui offrira les meilleurs résultats.

 

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Finalement, en pratique...

Récapitulons.

 

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Examen des gamuts de la Frontier

Nous avons examiné un profil en mode PrintDirect (relevé sur la machine d'un de nos photographes locaux) et le profil en mode sRGB disponible sur le site Photoweb, au moyen du logiciel ColorThink.

Une première surprise est la petitesse relative des gamuts : dans l'espace LAB, ces gamuts ont des volumes de 467000 (sRGB) et de 533000 (PD) — ces chiffres donnent une indication du nombre des couleurs qu'on peut séparer dans l'un et l'autre des gamuts. A titre de comparaison, avec une jet d'encre moderne (Epson 3800), on obtient à peine moins sur du papier mat (446000 couleurs avec de l'Epson Mat Archival) et nettement plus sur du papier brillant (713000 sur de l'Epson Traditionnel).



Comparaison des gamuts de la Frontier-sRGB sur papier Fuji Crystal Supreme (couleurs continues) et du papier Mat Archival sur Epson 3800 (fil de fer). Ces deux gamuts ont des volumes très voisins, mais des répartitions très différentes. La Frontier a davantage de couleurs sombres (son noir descend à L=7 contre L=18 pour le Mat Archival), mais elle a moins de couleurs claires. Elle va plus loin dans les magentas et bleus foncés, mais elle offre moins de jaunes clairs.

 Cette figure permet de comparer les deux gamuts de la Frontier, le mode sRGB étant rendu en couleurs continues et le mode PrintDirect, en fils de fer. Clairement, ce dernier est un peu plus étendu dans toutes les directions, un peu plus particulièrement dans les verts-cyans et surtout du côté des jaunes.

Amenez la souris ici pour situer ces deux gamuts dans l'espace colori­mé­trique sRGB. On voit que la Frontier peut fournir des couleurs qui ne sont pas dans sRGB, notamment du côté des verts-cyans mais aussi du côté des jaunes (surtout en PrintDirect).

Enfin, amenez la souris ici pour visualiser l'espace colori­mé­trique Adobe-98. Pratiquement toutes les couleurs de la Frontier sont largement englobées, mais pas toutes, notamment pas la pointe des jaunes obtenus en PrintDirect.

Conclusion : pour bénéficier au maximum des couleurs de la Frontier, on a intérêt à préparer les images dans un espace plus grand que sRGB, comme Adobe-98, puis, juste avant l'impression, à convertir vers le profil ICC de la Frontier qu'on aura sous la main.

Remarque

La possession des profils ICC de la Frontier permet aussi de prévoir ce qui va arriver lors de l'impression d'une image envoyée sous le profil sRGB — précisément ce qu'on conseille «quand on ne peut pas faire mieux». Pour cela, une fois qu'on a finalisé l'image sous ce profil, il suffit
— d'aller au menu Affichage>Format d'épreuve>Personnalisé
— d'aller chercher le profil ICC de la Frontier dans la liste Périphérique de simulation
— et de cocher la case Conserver les numéros RVB
Photoshop fait alors une attribution provisoire du profil de l'imprimante à l'image, c.à.d. que l'écran affiche ce qui devrait sortir de l'imprimante. On peut ainsi simuler le glissement des jaunes que nous avons constaté dans la deuxième illustration de cette article.

En fait, si on sait faire cela, on peut tout aussi bien convertir l'image dans le profil de la Frontier, et on aura tout intérêt à le faire avant d'envoyer l'image à l'impression. On verra ce qui arrive aux couleurs au moment même de cette conversion et on n'aura pas besoin de faire d'examen supplémentaire.




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Compléments

Je me suis beaucoup servi du site de « pehache » pour préparer cette page.

On peut encore glaner quelques autres informations (en anglais) sur http://www.drycreekphoto.com/

Il ne faut pas chercher trop de vérité scientifique dans ce genre de comparaison car elle contient un ajustement subjectif des images scannées. Successivement, De cette façon, même si on peut discuter sur l'écart entre l'image originale et le meilleur des tirages, les écarts entre les différentes impressions devraient être significatifs.