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Poste de travail et environnement

Fermez les rideaux !

Le moniteur est une pièce essentielle de la chaîne graphique. C'est là qu'on met l'image au point, et c'est ce qu'on voit sur l'écran qu'on va essayer d'obtenir sur le papier. Dans la philosophie de la gestion de la couleur, ce doit être un outil qui restitue de façon fiable les couleurs exactes des fichiers qu'on lui confie.

Cette façon fiable recquiert qu'il ne doit pas être perturbé par un environnement lumineux mal contrôlé. Donc pas d'éclairage extérieur qui changerait avec le moment de la journée, ou avec le soleil et les nuages. De toute manière, trop de lumière sur l'écran empêcherait de voir correctement les tons sombres...

L'idéal est donc d'éviter toute lumière extérieure au profit d'un éclairage artificiel bien contrôlé. Et faible.Il y a une norme (ISO-12646) qui donne les principes à suivre. La figure ci-contre,  empruntée à l'article The Darkroom makes a comeback de G. Wedding montre ce que pourrait être une installation modèle : pièce en éclairage indirect, relativement faible, pas de couleurs vives sur les murs ou sur les meubles (cela pourrait fausser la perception des couleurs par l'œil, via des mécanismes de contraste simultané) et des zones d'examen avec une lumière adaptée à la luminosité des moniteurs, avec notamment la même température de couleurs (5000 K dans cette norme).

Cette norme donne notamment une recommandation sur le niveau de l'éclairage ambiant : pas plus de 32 lux. Imaginez un éclairage de bureau «normal» (raisonable, hein ! pas excessif) et baissez de 4 ou 5 diaphragmes...

Bien entendu, un amateur n'aura pas forcément chez lui une pièce qu'il pourra aménager spécialement selon ces principes. Cela ne l'empêchera probablement pas, talent aidant, de réaliser des images que d'autres lui envieront. Mais il ne faudra pas qu'il s'angoisse de ne pas retrouver exactement sur le papier ce qu'il avait amoureusement mitonné sur son moniteur ; tout simplement, il ne sera pas équipé pour ainsi couper les cheveux en quatre et il devra accepter ce fait. Et il se consolera en se disant que son public non plus ne saura pas ce qu'il y avait sur son moniteur.

 

Etalonnez votre écran à 5000 K

La norme ISO mentionnée ci-dessus est très claire : dès qu'on travaille les images en relation avec une impression (et c'est évidemment le cas de nous autres photographes), on doit se mettre à 5000 K. En fait, c'est assez logique, puisque tout autre choix fait faire des conversions internes de température dans Photoshop, ce qui est susceptible de dégrader la qualité des couleurs. Va donc pour 5000 K !

5000 ou 6500K ? En dépit de cette norme ISO, de nombreux avis dans la littérature prônent les 6500K, bien qu'en accordant généralement que cela n'a pas beaucoup d'importance. On invoque souvent l'intensité moindre des moniteurs CRT à 5000K (ce qui est tout de même un peu dépassé avec les moniteurs modernes), ou que 6500K serait plus proche du fonctionnement naturel des écrans LCD. Il y a tout de même un avantage d'une tout autre nature à opter pour 5000K : selon tout ce qu'on peut lire, il est plus facile d'obtenir un éclairage d'examen de qualité à 5000K qu'à 6500K.

 

Une zone d'examen adaptée au moniteur

Si la chaine graphique était parfaitement calibrée et que les couleurs vues sur le moniteur se retrouvaient sans coup férir sur le papier, on pourrait estimer inutile d'examiner ce qui sort de l'imprimante. Hélas !

Si on veut comparer un tirage à l'écran avec commodité et précision, il faut satisfaire à plusieurs exigences :
— se rapprocher le plus possible du moniteur ;
— éclairer le papier uniformément ;
— avec la température de couleur du moniteur (donc, 5000 K) ;
— avec la même luminosité ;
— et éviter que l'éclairage du papier ne bave sur l'écran.

Il faudrait pouvoir répondre à toutes ces exigences si on veut pouvoir prétendre déceler et corriger des dominantes résiduelles sur les profils ICC. Pas facile !

Il existe des solutions toutes faites stand Graphiclite disponibles dans le commerce (mais que je n'ai pas essayées, on va vite comprendre pourquoi), comme ce stand Graphiclite PDV, distribué en France par Color-Academy, qui permet de régler l'éclairement en restant à 5000 K. Très belle réalisation, juste ce que nous cherchions !

Hélas, le bel objet démarre à plus de 1000 € (tarif début 2004, et encore, sans les flancs latéraux :-)). On trouve d'autres offres sur le web, mais celle-ci était la moins chère que j'ai trouvée en ce début 2004. On se dit donc qu'on doit pouvoir bricoler quelque chose d'approchant pour nettement moins cher.

Un des membres de notre club est donc passé aux actes sans trop se poser de questions et il a bricolé son propre stand (ci-dessous). photo Gérard Dupont En fait, pour le moment, c'est juste l'exploration d'un concept. La lumière vient d'un tube fluorescent «lumière du jour» acheté chez un marchand d'aquariums (tube JBL Solar Color 15 W, 45 cm de long) et le problème principal est que cet éclairage est trop puissant. On améliore grandement les choses en évitant tout réflecteur métallique et en tapissant tout en gris.

Pour ajuster finement la puissance sans changer la couleur, la technique la plus commode serait d'alimenter le tube sur un ballast électronique réglable (compter de 100 à 150 €), mais on peut se demander si on ne peut pas se tirer d'affaire en masquant partiellement le tube.

Un autre point est que le tube qui a été monté n'est pas particulièrement qualifié «arts graphiques». On peut cependant se procurer des tubes Philips, Osram, et certainement d'autres encore, dûment estampillés D-50, autour de 15 à 20 € le tube.

Pour ma part, je me suis lancé dans une autre voie, à partir de l'utilisation de spots halogènes «Solux», dûment certifiés à 4700 K. Ce n'est pas tout à fait 5000 K, mais l'écart devrait être négligeable (en tout cas ces ampoules sont-elles conseillées dans l'article de G. Wedding), et la qualité de la lumière émise serait nettement supérieure à celle des tubes fluorescents.

Dans mon essai,  le «stand» est un fond de boîte en carton tapissé de canson gris, et accrochée en haut du moniteur (tout à fait à droite). Le spot (50W) est accroché à la tige d'un lampadaire halogène sur la gauche). Un écran vertical en carton avance sur le côté droit de la boîte et protège l'écran de la lumière du spot. On règle la luminosité de l'image en déplaçant le spot à la distance convenable.

Sans doute tout n'est pas parfait. On peut être surpris de la nette dominante bleue du moniteur par rapport au papier dans la photo ci-dessus alors qu'on ne perçoit quasiment rien à l'oeil nu (eh ! on repère le même effet sur l'image précédente du stand Graphiclite). En fait, à cause du verre de protection dans le spot, la lumière émise n'est pas à 4700 K, mais à 4100 K, nettement en dessous des 5000 K de l'écran, et je pense que c'est cette différence qu'on voit sur l'image (on retrouverait les 4700 K en enlevant le verre de protection, mais la manœuvre est évidemment déconseillée).

Les ampoules Solux ne sont pas très chères (elles reviennent à 10$ si on les commande aux USA), mais leur montage est une autre paire de manche. Elles utilisent une tension de 12 V sur un culot MR-16 qui est un peu passé de mode. On trouve des montures de spot autour de 40 € (à www.radiospares.fr) analogues à celles de l'image, mais la pièce difficile à trouver est le transformateur à découpage enfichable qui donne du 12 V pour 50W. Ci-contre, j'ai utilisé une monture d'origine Solux via un importateur britannique, mais disons que j'étais pressé et que j'ai payé pour voir; ce n'est pas une solution à recommander.

 

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Octobre 2005 : une autre installation, à 6500K

En fait, tout le monde n'est pas d'accord sur l'art et la manière de monter une bonne installation. Un auteur aussi réputé que Bruce Fraser donne même des conseils radicalement différents des nôtres; en effet, dans son livre Gestion des couleurs (Pearson Education France, Paris, 2003), on peut lire en page 209

...deux conseils pour faire concorder des images affichées à l'écran avec celles imprimées :
– Faites concorder les luminosités, pas la température de couleur
– Ne placez pas la moniteur et la boîte à lumière dans le même champ de vision

Je ne peux que dire que ça ne correspond pas du tout à mon expérience personnelle. A propos de la température de couleur, Bruce Fraser prétend que l'oeil rétablit tout seul la balance des blancs (je suis d'accord, si le moniteur est bien en dehors du champ visuel) et qu'il mémorise suffisamment bien les rapports de couleur pour qu'on puisse ensuite revenir à l'écran et faire des comparaisons significatives. Là, j'en suis tout simplement incapable et je serais surpris d'être le seul.

Néammoins, mieux vaut une zone d'examen à proximité du moniteur que pas de zone d'examen du tout, à condition de veiller à ce que l'éclairage des papiers ne bave pas sur l'écran. Cela peut se faire à bon compte avec une lampe d'architecte montée sur une petite table auxiliaire. Cependant, je maintiens qu'il faudra un éclairage avec sensiblement la même température de couleur que l'écran.

Bien entendu, on peut prendre la lampe Solux décrite ci-dessus et ainsi éclairer la table d'examen. Ce serait sans doute la meilleure solution pour un écran à 5000K. Mais nous aussi avons essayé au club de nouvelles ampoules fluorescentes à économie d'énergie produites par la compagnie Daylight, dans l'espoir qu'on pourrait ainsi accompagner des écrans étalonnés à 6500 K. Attention, ce sont des produits pour le grand public en quête de lumière naturelle, pas du tout pour la colorimétrie, mais comme les ampoules «pro» ne sont pas des plus faciles à trouver, il était intéressant de faire l'expérience.

spectres En fait la température de couleur n'est pas le seul facteur à prendre en compte ; il faudrait aussi un spectre suffisamment régulier. On voit ci-contre le spectre d'une de ces ampoules (en rouge épais), comparé au standard professionnel «F7» en éclairage fluorescent (en mauve). Les deux présentent des raies, toujours annonciatrices d'anomalies pour la perception des couleurs, mais beaucoup plus prononcées — et donc inquiétantes — pour l'ampoule Daylight. Les courbes en noir beaucoup plus régulières correspondent aux lumières de référence pour l'examen des cou­leurs : l'éclairage normalisé «lumière naturelle» D-65 (trait noir fin) et celui du corps noir qui en est le plus proche, à 5800 K, en pointillé.

En toute rigueur, pour que cette tentative d'apprécier la justesse des couleurs imprimées soit pleinement significative, il faudrait que l'éclairage du papier soit précisément celui pour lequel on a calculé le profil ICC de l'imprimante. Comme il s'agira le plus souvent du D-50, on acceptera donc une petite erreur de principe en examinant les impressions sous une lumière à 6500 K. Les spectres chahutés des éclairages fluorescents sont bien plus gênants. L'aptitude d'un éclairage à rendre correctement les couleurs est généralement évaluée au moyen de son index de rendu de couleur («CRI», chromatic rendering index), qui devrait être supérieur à 90 pour que cet éclairage soit utilisable dans ce but. Or, comme le standard F7 est précisément crédité de ce CRI de 90 [HunterLab] et que les ampoules Daylight ont un spectre de raies bien plus accusé, leur CRI devrait être plus médiocre et donc, leur utilité en tant que lumière de contrôle pourrait être discutable.

Bien entendu, la société Daylight ne prétend pas vendre des lampes pour la colorimétrie et elle n'inclut ni CRI ni spectre dans ses spécifications. Autrement dit, il faut payer pour voir. En réalité, avant même de s'inquiéter de tout cela, l'un de nos membres a acquis une lampe Daylight 18W et l'a installée à côté de son moniteur étalonné à 6500 K. Les premières impressions sont plutôt bonnes : l'impression de concordance avec des impressions (sur une imprimante bien étalonnée, évidemment) a l'air satisfaisante. Au vu du spectre, il doit pourtant y avoir des couleurs qui vont soulever des difficultés. La suite raconte comment j'ai essayé d'y voir plus clair.

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Essai d'étude théorique sur la fidélité d'un éclairage de contrôle

Le problème principal avec un éclairage de contrôle mal adapté est qu'il fausse la perception des couleurs. Comment, de combien, jusqu'à quel point ? Il est bon de commencer par essayer de clarifier ces interrogations. Un spectrophotomètre et le logiciel MeasureTool de GretagMacbeth vont donner des éléments de réponse.

Pour cela, j'ai imprimé les jeux de couleur ci-après et j'ai relevé les spectres de réflectivité pour chacune des couleurs déposées. Le logiciel permet alors de simuler la perception des diverses couleurs selon les différents éclairages qu'on envoie sur le papier. test de couleurs Le résultat est reconstitué dans l'image ci-contre. Cliquez sur un des liens pour voir les couleurs qu'on verrait sous l'éclairage correspondant, puis survolez les autres liens pour voir comment ces couleurs changeraient sous d'autres éclairages. Vous pouvez ainsi comparer l'effet de tous ces éclairages deux à deux.

Cette variation dans la perception des couleurs quand on passe d'un éclairage à un autre est l'un des aspects de ce qu'on appelle le métamérisme des couleurs. C'est un phénomène inévitable, mais sa force dépend de la façon dont on a créé ces couleurs ; autrement dit, la figure précédente est spécifique de l'imprimante et du papier qui ont été utilisés, en l'occurence une Epson 2100 sur du Epson Premium Glossy ; on aurait vraisemblablement eu des variations bien plus fortes avec une Epson 2000.

Bien ! Nous savons donc maintenant comment varie la perception de nos couleurs sur le papier, mais nous n'avons toujours pas la réponse à notre interrogation centrale, à savoir comment comparer les couleurs de l'écran à celles du papier sous tel ou tel éclairage.

Du côté de l'écran, si le matériel d'étalonnage est vraiment fiable, on percevra toujours des couleurs correctes, quelle que soit sa température d'étalonnage. C'est sur le papier que les couleurs vont varier. Cependant, en général, l'imprimante est éta­lon­née de manière à restituer des couleurs exactes si le papier est illuminé en D-50. C'est donc ce rendu qu'on doit retrouver sur l'écran, et c'est à ce rendu en D-50 qu'on doit comparer ce qu'on voit sous d'autres éclairages, indépendamment de la température de l'écran.

Bien entendu, si on a utilisé des profils ICC spéciaux en prévision d'un autre type d'éclairage, par exemple du D-65, c'est le rendu correspondant qu'il faudrait prendre comme référence.

Le logiciel MeasureTools permet aussi de quantifier ces écarts de perception. On obtient ainsi les chiffres suivants en delta-E pour l'écart par rapport au rendu en D-50 :

Type d'éclairage Sur les 90%
meilleures cases
Sur les 10%
pires
Moyenne Maximum Moyenne Maximum
Solux nue (4700K) 0,9 1,9 2,4 4,0
Solux avec protection (4100K) 0,9 2,0 2,5 3,4
D-65 (5800 K) 1,9 3,4 4,6 7,3
Corps noir 6500K 2,3 5,0 6,4 10,5
F-7 (6100 K) 3,8 7,6 10,2 14,2
Daylight 18W (5900 K) 4,1 9,3 11,8 14,4
Daylight 11W (6400 K) 5,3 11,1 16,0 22,5
Corps noir 2700K 5,6 11,1 13,1 16,6

Maintenant, que tirer de ces chiffres ? Dans la table, nous avons singularisé en italiques les deux lignes correspondant au F-7 et à l'ampoule Daylight 18W. On y lit des chiffres assez voisins, tout juste un peu moins favorables pour la Daylight. En conséquence, si les pros de la colorimétrie considèrent que le F-7 et son CRI de 90 sont acceptables pour lire les couleurs, nous autres modestes (!) amateurs pourrions bien nous contenter des performances de la Daylight 18W, certes un peu moins bonnes, mais trop. Par contre la Daylight 11W serait moins recommandable.

Voire ! On lit parfois de tout autres sons de cloche. Dans un vieil échange de 1999, Chris Murphy (co-auteur de Bruce Fraser pour le livre Gestion des couleurs) estimait tout bonnement que les delta-E ne devraient jamais dépasser 5 et que les écarts supérieurs à 10 sont inaccep­tables. Or, on a de tels débor­dements avec le F-7 pour 10% des couleurs, ce F7 que d'autres considèrent comme acceptable... Bref, acceptable ou pas ?

La réponse va de soi : si on n'a pas d'éclairage Solux sous la main, mais juste une Daylight 18 W (ou même 11W), on fera évidemment avec, sans en être trop dupe, surtout du côté des bleu/cyan/vert très saturés.

Le tableau montre aussi
(i) l'excellente performance des ampoules Solux. Raison de plus pour travailler à 5000 K (ou 4700)
(ii) que le corps noir à 6500 K est nettement moins bon que le D-65, bien qu'on considère souvent qu'il en constitue une bonne approximation. En fait le D-65 est beaucoup plus proche du corps noir à 5800 K (ce dernier conduirait quasiment aux mêmes delta-E)
(iii) illuminer le papier sous un éclairage tungstène ou halogène ordinaire à 2700 K conduit à des delta-E aussi importants qu'avec la petite Daylight, mais évidemment les grosses erreurs ne portent pas sur les mêmes couleurs.

Sinon, quoi qu'en dise Bruce Fraser, notre conseil sera d'étalonner l'écran sur la température de couleur de l'éclairage du papier — donc 6000 ou 5800 K avec une Daylight 18W. Les comparaisons seront bien plus commodes ! Par contre, si on n'utilise pas de Solux, il vaudra mieux éloigner la zone d'examen de l'écran afin de ne pas céder à la tentation de faire des comparaisons de couleur trop fines – et illusoires – entre le papier et l'écran. Enfin, on ajustera l'éclairement du papier à la luminosité du moniteur en jouant sur la distance entre la lampe et la papier.



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Cette qualité de lumière se mesure par un indice «de rendu des couleurs» qui atteint 0,95 pour les meilleurs tubes fluorescents et 0,993 pour les spots Solux. Elle est liée à la régularité du spectre d'émission. Le spectre des Solux est très proche de l'idéal alors que les tubes fluorescents présentent tous un spectre de raies plus ou moins prononcées.
Octobre 2005 : j'ai pu mesurer la température de couleur de mon éclairage avec le spectromètre Eye-One. En fait, la lumière émise par mon spot n'est qu'à 4100K à cause du verre protecteur de la lampe utilisée ; si j'enlève ce verre elle remonte à 4600K
Les standards D-50 ou D-65 ne sont pas des lumières de corps noir. Il s'agit de deux aspects de l'éclairage naturel dispensé par le soleil à midi (D-65) ou près du lever ou du coucher (D-50) et je suppose que leurs petites irrégularités proviennent des mécanismes physiques liés à la propagation de la lumière dans l'atmosphère.

Les distributions spectrales «du corps noir» sont parfaitement régulières. On lit souvent que les courbes D-50 ou D-65 correspondent aux corps noirs à 5000 ou 6500 K, mais en fait, si on recherche pour quelle température on a la meilleure corrélation entre ces standards et le corps noir sur l'intervalle spectral 380-730 nm, on obtient 4700 K pour le D-50 (tiens ! justement la température d'émission des lampes Solux...) et 5800 K pour le D-65.
Le spectrophotomètre avec lequel on examine la feuille de calibration d'une imprimante ne mesure pas directement les couleurs déposées sur le papier, mais les spectres de réflectivité de ces couleurs. Pour en déduire ce que l'œil va voir, il faut ensuite nécessairement faire une hypothèse sur la lumière sous laquelle on va regarder ces couleurs (et qui n'a rien à voir avec la petite lampe contenue dans le spectro) pour prévoir ensuite comment les différentes cellules de l'œil vont réagir,et ainsi prévoir quelles «couleurs» vont être perçues.

La perception des couleurs change avec l'éclairage. Les logiciels haut-de-gamme savent en tenir compte et ainsi calculer des profils pour des images destinées à être vues sous tungstène ou sous éclairage fluorescent. Les logiciels plus simples en restent à l'éclairage par défaut prévu dans la norme ICC, c.à.d. le D-50.
On verra plus loin que cette erreur est faible. Nous autres photographes en souffrirons une autre autrement plus forte en exposant sous lumière tungstène les images que nous aurons concoctées avec nos profils en D-50. Comme quoi il ne faut pas être trop rigoriste... Certes, il est bon de se rappeler que le visiteur de l'expo ne saura pas ce que nous avions à l'écran, cependant, hors de toute obsession de concordance avec l'écran, rien n'interdit d'examiner les tirages sous une honnête lampe tungstène pour se prémunir de toute surprise.
Je n'en suis pas sûr, mais je ne crois pas qu'on calcule ce CRI à partir du spectre (ça devrait bien pouvoir se faire, cependant). Il semble qu'on compare la perception de quelques couleurs bien étalonnées sous la lumière à tester puis sous une lumière de référence. On note les écarts en termes de composantes Lab et on en déduit ce «CRI».
Le haut de l'image correspond à des couleurs sur le bord du gamut de l'imprimante. La moitié inférieure de l'image reprend les couleurs du haut, mais désaturées et assombries, de manière à se placer à l'intérieur de ce gamut. Comme il a fallu ensuite mesurer toutes ces couleurs à la main, une par une, le nombre des couleurs a été fortement limité; l'exploration du gamut est forcément grossière.
Quand on calcule un profil d'imprimante, on suppose par défaut que ce papier sera examiné sous une lumière D-50. Seuls certains logiciels haut de gamme permettent de prendre en compte d'autres types d'éclairage dans l'établissement du profil.
Les delta-E dont nous parlons sont tout simplement les écarts quadratiques entre les composantes Lab des deux couleurs, soit
deltaE=SQRT((L1-L2)^2+(a1-a2)^2+(b1-b2)^2)
Il y a des façons beaucoup plus sophistiquées pour caractériser l'écart entre deux couleurs (deltaE-94, deltaE-CMC, deltaE-2000...), mais les chiffres simples pour situer les ordres de grandeur significatifs — par exemple quand on dit qu'on peut aisément distinguer deux gris distants de deltaE=2 — sont toujours exprimés avec ce deltaE élémentaire.