Le but de cette page est de présenter quelques réflexions sur les performances des imprimantes à jet d'encre, en expliquant au passage ce que sont les différents «dpi» qu'on rencontre dans la chaîne graphique, depuis la résolution des images jusqu'aux fantasmatiques 1440 dpi (et ses multiples) qu'on invoque pour les imprimantes. Le «d» de «dpi» est toujours mis pour dot («point»), mais il y a point et point et cela engendre inévitablement des confusions chez les néophytes.
Repartons de la base. Un objet concret comme un paysage ou le tableau d'un peintre n'est pas fait de «points», mais quand on le numérise pour le transformer en image informatique, on prend la couleur d'échantillons répartis de manière régulière sur l'objet et ce sont ces échantillons qui vont constituer les «points» ou «pixels» de son image numérique. L'information élémentaire portée par chaque pixel est simplement sa couleur : si on discrétise chacune des primaires RVB sur 8 bits, cette couleur peut prendre 16 millions de valeurs différentes.
A noter qu'une prise d'échantillon élémentaire d'un objet réel ne consiste jamais à prendre la couleur d'un point géométrique, sans dimension, de cet objet, mais à examiner l'objet sur une certaine étendue autour de ce point idéal et à prendre une moyenne des couleurs sur cette étendue.
Imaginons qu'on puisse remplacer les différents pixels d'une image numérique par de petits carrés jointifs, chacun avec la couleur de son pixel. On obtient ainsi une restitution idéale de cette image, le mieux qu'on puisse obtenir directement à partir du fichier numérique, car toute l'information qu'il contient est alors restituée.
Les imprimantes ne procèdent pas exactement ainsi, mais c'est ce qu'elles vont essayer de faire. Comme on n'a pas précisé la taille de ces petits carrés, on peut avoir n'importe quelles dimensions pour l'image globale ainsi reconstruite. Ces dimensions sont précisément celles qui apparaissent dans le dialogue Taille de l'image de Photoshop et la case «résolution» dans ce dialogue donne précisément le le nombre de ces petits carrés par unité de longueur.
Il ne faut pas confondre l'assemblage idéal de nos petits carrés avec ce que l'imprimante aura pu produire. Chaque petit carré est un «point» de l'image, telle que celle-ci a été numérisée, un de ses pixels en quelque sorte, mais qui n'a pas de réalité concrète par lui-même. L'imprimante va essayer de les matérialiser, mais il est évident qu'elle n'y arrivera pas si on lui demande trop de finesse. Autrement dit, les «dpi» du dialogue Taille de l'image donnent la résolution théorique de l'image, mais pas forcément la finesse réelle de l'image que saura faire l'imprimante.
Même si on était capable d'imprimer cette image idéale, on ne voudrait pas voir le détail de ces petits carrés, afin d'avoir une impression de continuité dans les couleurs de l'image. Pour cela, il suffit de regarder d'assez loin, de manière à ce que chaque carré soit vu sous un angle correspondant au pouvoir séparateur de l'œil (c.à.d. comme un «point» sans détails). Ce raisonnement conduit à une distance d'observation idéale de 9000 cm divisés par la résolution en dpi, soit D=30 cm pour une image en 300 dpi. Si on regarde de plus loin, on ne va plus séparer correctement les points de l'image et on perdra des détails. Si on regarde de plus près, on ne percevra aucun détail supplémentaire de l'image. On pourra avoir un plus grand confort de vision, mais si on s'approche trop, on risque de voir les artefacts d'impression.
Rééchantillonner ou redimensionner consiste à diminuer ou à augmenter le nombre de pixels d'une image numérique. Il faut bien comprendre qu'on n'augmente jamais la qualité de l'image de cette manière, même si on augmente son nombre de pixels : si certains détails de la scène originale ont été perdus lors de la prise de vue initiale, ils ne réapparaitront pas. Pour comprendre ce qui se passe, on peut imaginer :
Très probablement, on pourrait forcer les imprimantes à jet d'encre à opérer selon un tramage régulier, c'est-à-dire en déposant des «points d'impression» côte à côte, à nouveau de petits carrés, mais cette fois avec une taille bien précise, la même pour tous les points. La résolution pratique de l'imprimante serait alors le nombre de points d'impression qu'on pourrait ainsi mettre par unité de longueur.
L'impression d'une image commencerait donc par un rééchantillonage de l'image, de manière à ce chaque nouveau pixel soit traduit par un point d'imprimante sur le papier. Si on augmente ainsi le nombre de pixels c.à.d. si la résolution de l'imprimante est supérieure à la résolution de l'image, on doit alors conserver tous les détails de l'image. Dans le cas contraire, on sous-dimensionne et on perd des détails.
En fait, les imprimantes ne fonctionnent pas comme cela. Elles utilisent des tramages nettement plus subtils, non réguliers, mais on va accepter dans un premier temps que la description précédente donne une certaine idée de ce qui se passe. Ainsi, l'imprimante déposerait des points de taille plus ou moins bien définie, auxquels on devrait pouvoir associer une densité moyenne ou encore une résolution effective. On situe communément celle-ci entre 200 et 300 dpi pour les machines récentes (sans trop savoir d'où ça vient), mais on devrait pouvoir l'évaluer empiriquement de la manière suivante :
Les 720 ou 1440 dpi (ou parfois plus) fièrement annoncés par les
imprimantes à jet d'encre ne correspondent sûrement pas à leur résolution
effective.
En fait, c'est quasiment un abus de langage, le
«dot» de «dpi» étant alors pris au sens de
gouttelette et non pas de point d'image.
Comme il faut manifestement beaucoup de ces gouttelettes
côte à côte pour reconstituer l'une des
16 millions de couleurs de nos images,
on pressent que ce point d'image va occuper beaucoup plus de place qu'une
simple gouttelette et que la résolution effective sera bien plus basse.
Pour préciser les choses, imaginons un tramage simple où les points d'imprimantes seraient des carrés de 16 gouttelettes de côté, soit 256 gouttelettes au plus par «point». Selon que ces gouttelettes sont présentes ou non dans les trois encres primaires, on obtient ainsi 257 intensités possibles sur chaque primaire, disons 256 (à 1 près), et on doit pouvoir ainsi synthétiser les 16 millions de couleurs demandées (256x256x256).
Si l'imprimante annonce 1440 dpi pour ses gouttelettes, sa résolution effective serait alors de 1440/16 = 90 dpi.
Les imprimantes font nettement mieux que ce chiffre. En restant dans le cadre de ce tramage régulier, si on utilise des encres «claires» (machines à 6 encres ou plus) on peut passer à un carré de 128 gouttelettes au lieu de 256 (on passe à 126 dpi) pour reconstituer les 16 millions de couleur. L'utilisation de l'encre noire pour les tons sombres permet aussi de diminuer le nombre de gouttelettes (mais ce n'est pas facile à calculer :-)). Et puis... si on renonce aux 16 millions de couleur, bien malins sont ceux qui s'en apercevront et on peut ainsi très fortement gagner en résolution. Je ne pense toutefois pas que les machines récentes aient recours à cet expédient
On s'en apercevra si on a des gradients très doux et sans bruit (sans l'option «simuler» qui met un peu d'aléatoire dans le gradient) : on va avoir de la postérisation. C'est effectivement ce qui se passait avec les toutes premières Epson à 600 dpi.
On va voir que les imprimantes font beaucoup mieux que ce qu'annonce
ce petit calcul.
J'ai mis en œuvre la méthode décrite plus haut, avec l'image Lab Test de Bill Atkinson : je suis parti d'une résolution de 528 dpi pour le fichier original, afin que l'image s'imprime sur la largeur d'une feuille A4, puis j'ai rééchantillonné le fichier avec des résolutions décroissantes (toujours en repartant du fichier original) et en lui conservant la même taille à l'impression. J'ai utilisé une imprimante Epson 2100 sur du papier Mat Archival, avec la plus grande résolution permise par le pilote d'impression.
Sur la gauche, on voit un fragment de l'image originale vue à l'écran; sur la droite un scan de son impression, le tout pour diverses résolutions d'image que vous pouvez choisir en survolant ou en cliquant sur l'un des quatre choix proposés en légende (si vous cliquez, l'image en apparition devient l'image de base)
Quelques précisions sur la construction de cette figure : seul le fragment de gauche («fichier») à 528 dpi provient directement du fichier original et est vu à l'échelle 100% ; tout le reste a été redimensionné pour s'afficher avec les mêmes dimensions dans la page. Les impressions ont été scannées avec une résolution de 1200 dpi.
On constate plusieurs points :
Finalement, on ne peut rien conclure de bien clair. La chute de
netteté générale entre 300 et 200 dpi suggère une résolution effective
entre ces deux valeurs, mais il y a des endroits où l'imprimante fait
manifestement mieux
que 300 dpi.
L'image ci-contre a été obtenue en imprimant une image composée de traits noirs de 2 pixels espacés de 2 pixels, le tout à la résolution de 720 dpi, toujours sur Epson 2100. Chaque trait occupe donc 1/360 pouce et on les voit très distinctement sur le papier (en passant, nettement mieux sur papier brillant que sur papier mat). Ce test provient d'une page de Christophe Métairie, où on conclut tout bonnement que la résolution de ce type de machine est donc au moins de 360 dpi...
On peut même faire plus fort, préparer des traits de 1 pixel séparés de 2 pixels et les imprimer à 1440 dpi ! On distingue toujours les traits sur le papier imprimé (ça marche mieux avec le premium semi-glossy d'Epson), ce qui correspond à une résolution de l'ordre de 7 à 900 dpi... Par contre si on sépare les traits de 1 pixel seulement, l'étalement de l'encre crée un pavé complètement noir.
Ce n'est évidemment pas aussi simple. Ce n'est donc pas une question de rapport simple avec le nombre magique de 720 ou 1440 de la machine : si on imprime le test précédent à 600 dpi au lieu de 720 dpi, on a donc des traits à 300 dpi et on les sépare toujours aussi bien. Par contre, on va avoir des résultats surprenants si on reprend l'expérience avec des traits coloriés (toujours avec des traits de 2px séparés de 2px et imprimés à 720 dpi). L'image suivante montre ce qui se passe dans trois cas:
— en haut, les traits en dégradé le long du cercle chromatique, sur fond blanc
— au milieu, le fond blanc a été remplacé par un dégradé complémentaire du dégradé des traits, d'où l'impression visuelle d'un gris moyen
— en bas, traits en gris moyen et fond en dégradé le long du cercle chromatique
La partie supérieure de l'image a été obtenue en redimensionnant le fichier original au quart de ses dimensions de départ
On voit que :
Si on incline la figure de 10 ou 20 degrés, les raies s'estompent, mais la bande médiane garde ses couleurs. Dans tous les cas, les traits sont toujours visibles dans l'impression, mais, manifestement, on peut donc avoir une très grosse erreur dans les couleurs et on ne peut donc pas compter sur une impression fidèle à cette échelle de détails.
On peut objecter dans cet essai que l'apparition d'une coloration dans la
bande médiane est inévitable, parce que des couleurs
théoriquement complémentaires ne peuvent pas le rester
rigoureusement sur le papier. Pour en juger, il sufit d'imprimer
l'image à une résolution beaucoup plus faible (150 dpi par
exemple, c.à.d. une résolution que doit certainement passer
l'imprimante) et à l'observer de loin. Effectivement, on voit ainsi
une bande coloriée, mais avec des couleurs nettement moins vives
que dans la première impression à 720 dpi.
Pour finir, pour comprendre un peu mieux ce qui se passe, il faut évidemment se pencher sur la manière dont fonctionnent les imprimantes. Leurs constructeurs ne sont pas très bavards sur ce sujet, mais on pense généralement qu'ils emploient des tramages à diffusion d'erreur (ou : tramage à points dispersés ; ou encore : tramage Floyd-Steinberg).
L'idée générale est la suivante. On examine l'image à l'échelle des gouttelettes. Ensuite :
On sent donc qu'il est assez facile de suivre un rythme rapide quand la couleur varie fortement d'une gouttelette à l'autre, comme pour les détails blanc/noir à 360 dpi du test de C. Métairie. Il est apparemment beaucoup moins facile de rattraper les erreurs de couleur qui accompagne ces variations rapides sur quelques gouttelettes seulement.