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Techniques de virage pour les images numériques N&B
(2008 – Cliquez ici pour avoir une version pdf de cet article, de 2.2 Mo)

Qu’est-ce que c’est ?

Du temps de l’argentique, virer un tirage consistait à remplacer partiellement les sels d’argent par d’autres composés métalliques. Cette opération avait deux grands intérêts

Selon les recettes utilisées, on pouvait respecter — ou non — le noir du tirage ou le blanc du papier.

En numérique, on cherchera simplement à appliquer une coloration d’ensemble à une image préalablement mise en noir et blanc.

Tirages au carbone et tirages en mode couleur

Il importe de bien comprendre qu’une image numérique « virée » s’imprime nécessairement comme une image couleur ordinaire et non pas avec les techniques spécifiques aux tirages N&B.

Les techniques N&B utilisent essentiellement les encres noires et grises de l’imprimante. Elles offrent néammoins différents rendus, froids, neutres, chauds, sépia (avec généralement tous les rendus intermédiaires possibles) en y ajoutant un petit peu des encres couleurs. Ces rendus sont autant de colorations faibles appliquées aux tons de gris et on peut déjà les considérer comme autant de virages légers qui seraient obtenus à l’impression, l’image à l’écran restant en purs niveaux de gris.

On va passer aux techniques de virage si on désire d’autres nuances ou des nuances plus vigoureuses — ou si on ne dispose pas de vraie imprimante N&B. Les images doivent être en mode couleur. On ajuste leur coloration sur l’écran (et c’est ce qui va sortir sur le papier si l’ensemble de la chaîne graphique est bien étalonné) et on les imprime en tant qu’images « couleur », c.à.d. en quadrichromie : en gros, les gris se font en déposant des parts égales de jaune, de cyan et de magenta, le noir n’intervenant que pour les tons les plus sombres. Cela entraine plusieurs conséquences importantes :

  1. moindre conservation dans le temps. En effet, les encres noires ou grises des tirages N&B contiennent généralement un pigment à base de carbone qui est beaucoup plus stable que les pigments des encres jaune, magenta et cyan. On peut toutefois relativiser cet argument, dans la mesure où les tirages « couleur » peuvent néammoins espérer des conservations de l’ordre du siècle — du moins pour certaines machines et certains papiers.
  2. Davantage de métamérisme. Il s’agit d’une variation du rendu quand on change l’éclairage, légère mais généralement indésirable ; en général les couleurs bougent du magenta vers le vert quand on passe d’un éclairage tungstène à la lumière solaire. Il n’y a que pour des tirages N&B avec des encres noires ou grises à base de carbone que cet effet est négligeable. On peut cependant espérer qu’il ne soit pas trop gênant dans le cas d’une image virée avec une teinte plus prononcée que le basculement dû au métamérisme.
  3. En quadrichromie, il est difficile d’avoir des gris vraiment neutres sur toute la gamme des densités. On a souvent des colorations résiduelles qui peuvent parfois être très gênantes quand on veut faire du « vrai » noir et blanc. Cependant, à nouveau, on peut espérer que ce défaut devienne imperceptible si on applique un virage de teinte plus forte que ces colorations résiduelles.
  4. Autre défaut, on n’aura pas toujours un étagement correct des différents tons d’une gamme de gris. Par exemple, les Epson en 2880 dpi sur papier mat auront tendance à boucher les noirs. Il conviendra donc de préparer une courbe de correction des densités et de toujours imprimer avec cette correction.

Respectons le noir et le blanc (pour commencer)

 Virage au ferricyanure
(image Jacques Marguier)

Dans un premier temps, nous ne nous intéresserons qu’aux techniques qui conservent le noir et le blanc de l’image, c’est-à-dire que nous ne rechercherons pas à reproduire d’effet similaire à ce qu’on voit ci-contre, où à la fois le blanc et le noir ont été fortement teintés.

Incidemment, observons que cette coloration des extrêmes réduit l’intervalle des luminosités entre le «blanc» et le «noir». L’image devient beaucoup plus douce, mais aussi, on diminue d’autant le nombre des tons qu’on peut différentier dans l’image, et par suite la précision et la richesse des détails qu’on peut y lire. Par exemple, dans l’image ci-contre, on a presque deux fois moins de «gris» distincts que dans le N&B de départ. On évite ce problème si on ne modifie pas le blanc et le noir d’origine.

Néammoins, comme ce genre d’image a son charme, nous dirons comment faire à la fin de notre article.

Beaucoup de techniques possibles… mais attention à la variation des densités !

Comme toujours dans Photoshop, il y a de multiples façons d’arriver à un effet donné, ici, de teinter des gris sans toucher ni au noir ni au blanc : nous allons en évoquer six ! L’exercice est un peu vain, mais quand on vous affirme tout de go que telle nouvelle méthode plus ou moins sophistiquée est la meilleure qu’on ait jamais vue, faut-il le croire ?

 La comparaison n’est pas évidente parce que ces techniques de coloration des gris agissent souvent sur la la luminosité des tons et que l’œil est très sensible à cet effet. Pour ne juger que des vertus de recoloration, il faut donc à chaque fois restaurer la luminosité des tons (ou leurs « densités », si on préfère). Le plus efficace pour cela est de mettre une copie de l’image N&B initiale dans un nouveau calque, au-dessus du calque qui crée le virage, et de mettre ce calque copie dans le mode luminosité — ça marche bien tant que la coloration n’est pas trop forte, autrement dit tant qu’on reste dans le domaine de l’image N&B. Si vous estimez ensuite que telle ou telle nuance réclame une retouche sur les densités, vous pourrez toujours ajouter un réglage par courbes pour cela.

 Cette précaution étant dûment observée, la figure ci-contre montre ce qui arrive à une gamme de gris avec nos six méthodes. La première bande est obtenue avec une simple redéfinition des gris dans un réglage teinte/saturation et pour toutes les autres techniques, on a simplement ajusté la coloration afin d’avoir la même teinte pour la plage en milieu de gamme. On constate que les différences sont des plus minimes pour les cinq premières méthodes : en un mot, ces méthodes sont sensiblement équivalentes. La 6ème méthode affiche des tons sombres un peu plus colorés que dans les autres bandes — mais il resterait à voir si cet effet se voit sur une image réelle plus complexe que cette gamme de gris.

Nous allons maintenant décrire ces six méthodes.

1 – Redéfinition des gris

C’est de loin la technique la plus simple : on ouvre un calque de réglage teinte/saturation, on coche l’option Redéfinir et on ajuste les curseurs de teinte et de saturation jusqu’à ce qu’on soit content.

2 – Coloration par courbes (ou par niveaux)

On monte les courbes dans deux des trois canaux RVB comme indiqué ci-contre ; inutile de toucher à la 3ème courbe si on rattrape ensuite les luminosités comme indiqué plus haut. Ou bien, on ouvre un réglage de niveaux et on déplace les curseurs des gris sur deux des trois primaires — c’est exactement la même chose… mais ça fonctionne sous Photoshop Elements.

3 – Coloration en mode produit à travers le masque des ombres

Cette méthode a été décrite par Russel Brown en termes dithyrambiques comme la meilleure qu’il ait jamais rencontrée. C’était du temps de CS1, mais il n’est jamais revenu sur ce sujet par la suite. Bref :

  1. prendre la sélection des lumières. Pour cela, passer dans la palette des couches, cliquer sur l’icône juste en bas à gauche, et revenir sur la palette des calques
  2. intervertir la sélection pour obtenir la sélection des ombres
  3. ouvrir un calque de réglage couleur unie en mode produit.
    – Pour avoir d’emblée ce mode produit, il faut passer par le menu Calques>Nouveau calque de remplissage>Couleur unie et choisir Produit dans la case Mode de la boîte de dialogue.
    – Si on préfère les boutons de la palette des calques aux errances dans les menus, ouvrir ce calque couleur unie depuis la palette des calques et cliquer OK tout de suite. Passer ensuite en mode produit depuis la palette des calques et rouvrir ce calque.
    Dans les deux cas, on obtient le calque couleur unie en mode produit, avec un sélecteur de couleurs ouvert en guise de boîte de dialogue, et avec le masque des ombres (shadow mask) dans le masque du calque.
  4. Ajuster les réglages du sélecteur de couleurs à votre goût.

Si on désactivé le calque de rattrapage des luminosités, on constate que l’image virée a été globalement assombrie, ce qui était à prévoir avec l’intervention du calque en mode produit. Si on désactive le masque des ombres (via un clic droit sur sa vignette), on constate que les tons sont de plus en plus colorés à mesure qu’on va du noir au blanc, et que ce dernier n’est plus blanc du tout. L’effet du masque des ombres quand on réactive le masque est d’atténuer cet effet et cela d’autant plus que le ton est plus clair, jusqu’à l’annulation complète pour le blanc pur, le masque étant alors complétement noir.

Maintenant, quoi qu’ait pu en penser Russel Brown, une fois les densités rattrapées, on obtient ni plus ni moins que ce que donnent les autres méthodes…

4 – Coloration en mode superposition à travers le masque des lumières

C’est une alternative à la méthode précédente : on omet la phase (ii) de manière à rester avec la sélection des lumières et on prend le mode superposition au lieu du mode produit dans la phase (iii).

Là, c’est Ilford qui assure que c’est comme ça qu’il faut se servir de ses tout nouveaux papiers barytés Gold Fibre Silk. Cependant, fort curieusement, on y oublie de se servir du masque des lumières, ce qui fait qu’on reste avec un calque de couleur appliqué de manière uniforme… et que ça ne peut pas fonctionner correctement et conduire aux résultats affichés dans la page. A nouveau, Ilford a beau préconiser cette méthode, les autres font aussi bien…

5 – Calque de couleur unie en mode couleur

Cette technique ressemble aux deux précédentes, avec un calque de couleur unie et un masque contenant une copie de l’image N&B, mais cette fois dans le mode couleur. On reviendra plus loin sur sa mise en œuvre. La figure générale montre qu’elle peut donner les mêmes résultats que les autres, mais on peut aussi obtenir d’autres effets — en échange d’une complexité un peu plus grande.

6 – Coloration par réglage de balance des couleurs

Elle s’obtient tout simplement avec un réglage de balance des couleurs. Bien que le résultat dans la figure ait été obtenu en n’agissant que sur les « tons moyens », on voit que tous les tons ont été modifiés et que les plus sombres prennent plus de couleur qu’avec les autres méthodes. On peut accentuer cet effet avec le réglage « tons sombres » ou bien encore agir préférentiellement sur les tons clairs avec le réglage « tons clairs ».

La méthode du calque « couleur unie » en mode couleur

A l’instar de la balance des couleurs, cette méthode permet de contrôler la coloration des différents tons au long de la gamme des gris, mais elle donne davantage de contrôle.

A la base, c’est simplement un calque de réglage couleur unie mis en mode couleur, sans rien dans son masque. La figure suivante en montre le résultat sur une gamme de gris. Les propriétés du mode couleur font que la luminosité des différents tons de gris est automatiquement respectée (inutile de mettre le calque de rattrapage en place, du moins tant qu’on ne colore pas trop l’image) et que ni le noir ni le blanc ne sont affectés.

Par contre, selon la teinte choisie, on voit que la coloration d’ensemble peut se déplacer légèrement vers les tons clairs pour les jaunes ou vers les tons sombres pour les bleus. Pour mieux contrôler la coloration des différents tons, on va ouvrir le calque sur le masque des lumières :

  1. prendre la sélection des lumières. Pour cela, passer dans la palette des couches, cliquer sur l’icône juste en bas à gauche, et revenir sur la palette des calques
  2. ouvrir un calque de réglage couleur unie et mettre ce calque en mode couleur. Le masque de ce calque contient alors une copie de l’image N&B.
  3. Rouvrir le calque pour un premier choix de la teinte. Valider par OK.

    C’est maintenant qu’on va ajuster la répartition du virage sur les différents tons de gris :
  4. Activer le masque du calque couleur unie et ouvrir un réglage par courbe (forcément par le menu Image > Réglages, ou par le raccourci CTRL+M) pour agir sur le masque lui-même. Comme indiqué dans les exemples ci-dessous, construire une courbe en cloche avec le sommet là où on veut que la coloration soit la plus forte. On peut prendre autant de points de contrôle qu’on veut.

La figure suivante montre ce qui se passe sur une image réelle. L’image originale est en haut à gauche et on voit trois colorations obtenues avec le même calque « couleur unie » avec un masque des lumières modifié par courbe. Les courbes utilisées sont affichées dans les encarts. En haut à droite, on a joué sur les tons moyens pour obtenir une coloration d’ensemble. En bas, on a privilégié les tons sombres (à gauche) ou les tons clairs (à droite) et on voit à la fois des zones colorées et des zones restées neutres, comme dans une bichromie.

 

Teinter le noir et/ou le blanc

Il faut évidemment renoncer à un « noir » vraiment noir et/ou un « blanc » complètement blanc. Le plus simple est d’utiliser un nouveau réglage par courbes ou par niveaux qui redéfinira le point noir et/ou le point blanc, au-dessus du calque de ratttrapage des densités. A noter que si on ne se sert pas de calque et qu’on utilise un réglage par courbes pour le virage, on peut à la fois donner la coloration d’ensemble et colorier le blanc et le noir — on va revenir sur cette idée dans le paragraphe suivant.

Effets de bichromie ou multichromie

Au sens propre, la bichromie est une technique d’imprimeur qui consiste à imprimer de N&B avec deux encres, un noir et une encre de couleur qui teintera plus ou moins certains gris ; la multichromie est une technique plus générale avec plusieurs encres de couleurs pour obtenir plusieurs nuances dans la gamme des gris.

Photoshop a un mode spécial « bichromie » pour préparer ce genre de travail, notamment pour la réalisation des masques d’encrage pour le noir et les diverses encres de couleur. Mais pour le photographe qui ne dispose que d’une imprimante à jet d’encre, ce mode ne sert qu’à simuler à l’écran ce que l’imprimeur obtiendrait avec ce genre de technique. En fait, on voit une image en couleurs avec certaines composantes RVB en chaque point et ce sont ces composantes qui vont être envoyées à l’imprimante. On peut obtenir le même résultat en restant en mode couleur et en appliquant un réglage par courbes qui réalisera la transformation du gris vers la couleur souhaitée. Un réglage de balance des couleurs est moins souple mais peut aussi convenir.

La figure suivante montre un exemple appliqué à une gamme de gris, ainsi que les courbes utilisées.

On a teinté les tons sombres en bleu et les tons clairs en jaune. Noter que le noir et le blanc ont également été teintés. On fait varier la teinte prise par les différents gris en jouant sur la localisation des points de contrôle

Suggestion : quand on prépare ce genre de virage numérique, expérimenter sur une gamme de gris en même temps que sur l’image du moment permet de se rendre compte si on conserve bien la lisibilité des différents tons (les différentes plages de la gamme doivent rester nettement séparées les unes des autres)

Virages partiels

En argentique, la technique des virages partiels consistait à retenir l’action des différents agents chimiques sur une partie de l’image pour ne teinter que les parties non préservées. La transposition en numérique est évidemment de limiter l’action du virage à travers une sélection.

Bref, en trois mots…

La luminosité d’une image N&B est souvent modifiée quand on opére un virage numérique. Si on élimine cet effet en restaurant la luminosité initiale, on trouve que les différentes méthodes proposées ici ou là — du moins celles reprises dans cet article — sont sensiblement équivalentes. Dans ce cas, autant en rester à la plus simple, c.à.d. (à notre avis) la redéfinition des gris dans le réglage teinte/saturation, quitte à lui rajouter un réglage par courbes si on trouve que la teinte choisie demande un réajustement des densités.

La technique du calque « couleur unie » en mode couleur ne modifie jamais les luminosités, mais elle est inutilement complexe si on ne cherche qu’à donner une teinte générale à l’ensemble de l’image. Par contre, elle permet des effets de bichromie si on concentre la teinte sur les tons clairs ou sur les tons sombres.


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