Profils colorimétriques :
comparaison des gamuts
Introduction
Le gamut d'un espace colorimétrique est l'ensemble des
couleurs qu'on peut atteindre par la combinaison des couleurs primaires de
ce profil ; pour un périphérique, c'est l'ensemble des couleurs
accessibles à partir de ce périphérique.
Ci-contre, on visualise le contour de ces gamuts dans un diagramme
«uv»
(une forme particulière du modèle CIE), et où le pavé coloré
représente l'ensemble des couleurs visibles. Attention, il s'agit
d'une représentation schématique, le point important
étant les couleurs sont de
plus en plus saturées au fur et à mesure qu'on
s'éloigne de la zone blanche centrale. Dans ce diagramme, les
gamuts des espaces de travail RVB sont des triangles dont
les sommets correspondent aux primaires.
Sous la figure, nous avons énuméré quelques profils
colorimé- triques typiques. Il s'agit en fait d'un menu : il suffit de
cliquer sur les noms de ces profils pour faire apparaître ou
disparaître les gamuts correspondants. En principe, à
l'ouverture de la page, seul le gamut de l'espace Adobe RGB(1998) est
visible. C'est cet espace qu'Adobe conseille d'adopter comme espace de
travail et nous essaierons de comprendre pourquoi.
Avant de continuer, précisons que les gamuts sont en
réalité des figures à 3 dimensions, la 3ème
dimension correspondant à la composante
L de
luminosité. La figure ci-contre n'est qu'une projection.
Enfin, on trouvera
à la fin de cette page quelques
indications sur l'obtention de nos figures.
Comparaison des espaces de travail RVB entre eux
Nous présentons cinq de ces profils ; cliquez sur leurs noms dans le
menu à gauche pour visualiser les gamuts correspondants. Ils se
répartissent en deux classes :
- des «petits» profils, comme ColorMatch RGB,
sRGB ou Adobe RGB(1998)),
conçus en termes de compromis avec les capacités
limitées des périphériques usuels (moniteurs,
imprimantes) ; Adobe RGB est le plus grand de ces
«petits» espaces.
- des profils à grand gamut, comme Wide Gamut ou ProPhoto, conçus essentiellement
pour faire des numérisations les plus fidèles possible,
c.à.d. avec le plus grand nombre de couleurs possible.
Leur emploi
comme espace de travail soulèvent de gros problèmes
pratiques. L'impression des couleurs correspondantes est impossible avec
les procédés quadrichromiques classiques et leurs primaires
sont trop éloignées l'une de l'autre pour des circuits
vidéo en «3x8-bits» (256 niveaux sur chaque
primaire) ; on ne peut pas passer progressivement de l'une à
l'autre avec des transitions imperceptibles entre les tons
intermédiaires consécutifs. A l'opposé, Adobe
RGB(1998) est suffisamment petit pour ne pas soulever cette
dernière difficulté.
Notez en passant que même les plus grands gamuts n'arrivent pas
à couvrir la totalité des couleurs visibles.
Comparaison avec le gamut des moniteurs.
Le profil de moniteur proposé ci-contre correspond au calibrage d'un
Ilyama 19" (c.à.d. un moniteur grand public de bonne qualité,
mais pas un matériel de graphiste professionnel). On constate que
son gamut est très proche du ColorMatch RGB (rien d'étonnant
puisque ce dernier a été conçu pour coller à
des moniteurs). En fait, tous les gamuts de moniteur qu'on trouve sur le
web sont proches les uns des autres, y compris ceux des moniteurs professionnels
et des écrans plats les plus performants de cette
mi-2003.
Tous ces gamuts sont assez voisins du sRGB (sauf du côté
rouge-magenta-bleu), ce qui n'a rien d'étonnant, puisque le sRGB a été
conçu comme une sorte de dénominateur commun aux appareils photo/vidéo.
Profils d'imprimantes
Nous en montrons trois dans notre figure (cliquez au menu pour les
visualiser) :
- le profil SWOP est typique de ce qu'on obtient en
quadrichromie traditionnelle. On note qu'il déborde un peu des
plus petits gamuts (ColorMatch ou sRGB), mais qu'il
reste englobé dans
Adobe RGB-98
- les profils Epson 2000P et Epson 2100
sont typiques de ce qu'on obtient
avec des machines de bureau récentes en technologie jet d'encre.
Leurs gamuts sont beaucoup plus larges et ils
débordent même sensiblement du gamut d'Adobe
RGB(1998).
Profils d'entrée
La figure propose le profil du scanner Epson 3200 (en lumière
réfléchie, pour des documents opaques), le haut de gamme du
matériel amateur dans la gamme Epson.
On voit que ce gamut englobe celui des imprimantes à jet d'encre
(Epson 2000 et 2100 dans la figure),
ce qui conforte le
principe de la mesure des profils d'imprimantes avec les systèmes
«économiques» (Monaco ou ColorVision) où on
remplace le spectrocolorimètre par un scanner à plat, du
moins avec ce type particulier de scanner.
Nous donnons aussi à titre indicatif
un profil interne pour un appareil photo numérique
Nikon Coolpix 5000.
Comparez ce profil au sRGB, puis à Epson 2100. C'est
ce profil interne qu'on doit associer aux images enregistrées dans
le format RAW, alors que l'enregistrement en JPEG ou en TIF inclut une
conversion dans l'espace sRGB, beaucoup plus petit. Le profil
interne capte donc beaucoup plus de couleurs dans le domaine du bleu
aux rouges. Malheureusement, ces couleurs supplémentaires sont
pratiquement toutes en dehors du gamut Epson 2100, c.à.d. d'une
bonne imprimante à jet d'encre. L'intérêt du format
RAW est donc assez discutable, du moins sur ce critère de couleur et
pour cet appareil...
Conclusion sur le choix d'un espace de travail
Le choix d'Adobe RGB(1998) est un compromis.
On doit rejeter la tentation de prendre un espace à tout petit
gamut comme ColorMatch (ou encore un profil de
moniteur), sous le prétexte que toutes les couleurs de l'espace de
travail seraient visibles à l'écran. Ce faisant, on
renoncerait à la richesse des couleurs à laquelle les moyens
d'impression moderne donnent accès (on perdrait même certains cyans
de la quadrichromie classique).
On doit donc accepter de travailler dans un gamut non totalement accessible
au moniteur, en faisant confiance aux capacités de simulation de
Photoshop (au menu Affichage>Couleurs de l'épreuve). Dans
l'idéal, le gamut de travail devrait alors recouvrir le gamut de
sortie. Sur ce plan, même Adobe RGB(1998) est un peu petit par
rapport aux capacités d'une imprimante récente comme l'Epson
2100, mais il est encore prématuré de recourir
à un espace à grand gamut comme WideGamut ou
ProPhoto.
Compléments
1 - Toutes nos figures ont été obtenues avec le logiciel
ColorThink de
Chromix, qui permet de visualiser les gamuts en 2 ou 3
dimensions, en
XYZ, LUV ou
LAB. Nous avons obtenu tous nos profils de
périphériques avec un système
Monaco EZColor
(avec une sonde colorimétrique Monaco
Optix pour le
moniteur), sauf le profil «Epson 2100», qui a été
relevé avec un système
Eye-one de GretagMacbeth chez
un photographe indépendant.
2 - Le lecteur fureteur peut être surpris du bon recouvrement de
ColorMatch et de sRGB, qu'on ne retrouve pas dans les
présentations habituelles de ces gamuts. En fait,
pour rendre la comparaison des gamuts plus significative, nous avons
converti le sRGB (ainsi que Adobe RGB-98) à
5000 K, tout comme le fait Photoshop. Nous
reviendrons là-dessus plus loin.
3 - J'explique dans une autre page pourquoi ces
graphiques sont en LUV plutôt qu'en LAB.
On rencontre beaucoup plus fréquemment des diagrammes
xy
que des diagrammes
uv sur le web. Il s'agit de
deux formes équivalentes du modèle CIE, mais
l'intérêt du diagramme
uv est que la distance
séparant deux points dans ce diagramme donne directement (enfin...
à peu près) le nombre de
tons discernables entre les couleurs associées à ces
points, où que l'on soit dans le diagramme. De ce point de vue, la
représentation
xy est beaucoup trop dilatée dans
les verts.
Cliquez sur le lien pour plus de détails.
Schématique : votre écran ne évidemment peut
pas vous montrer l'ensemble de toutes les couleurs visibles par
l'œil ! En gros, la figure montre où se placent les
différentes couleurs dans le diagramme, mais les vraies
couleurs seraient beaucoup plus saturées vers le pourtour du
pavé. Voyez-y simplement une représentation symbolique
du spectre des couleurs visibles
Photoshop permet de localiser ces sommets pour les
profils RVB enregistrés dans votre système :
au menu Edition>Couleurs, choisir
d'abord un profil RVB dans la liste déroulante, puis revenir
au début de la liste pour choisir RVB personnalisé :
une boîte de dialogue s'ouvre, qui donne les caractéristiques
du profil et notamment les composantes x et y des primaires.
Ne reste plus qu'à passer ensuite aux composantes u et
v de notre figure, par exemple au moyen des formules données
dans le site de Bruce Lindbloom.
Notez que ce profil ProPhoto RGB déborde nettement du spectre
visible à cause de l'adoption de primaires non physiques
(impossibles à synthétiser), afin que le gamut recouvre un
maximum du spectre visible. Ce profil a été proposé
par Kodak pour l'archivage numérique de diapositives avec des
numérisations en 3x16 bits (65000 niveaux par primaire)
Ce profil sRGB est notamment le profil sous lequel la plupart des
appareils photo numériques enregistrent leurs images JPEG. C'est un
standard qui a été défini par des industriels comme un
plus petit dénominateur commun pour les appareils
vidéo-numériques, donc un standard facile à atteindre
pour le plus grand nombre. On verra plus loin que les
appareils photo peuvent capter bien
davantage de couleurs si on enregistre en format raw.
Ce profil était celui de la lignée
des moniteurs professionnels Radius PressView (aujourd'hui arrêtée).
On voit que son gamut est très proche du sRGB (sauf du côté
rouge-magenta-bleu), mais il a un gamma
de 1.8 au lieu de 2.2.
Il n'est pas trop surprenant que notre profil de moniteur (d'un très
bon matériel grand public d'aujourd'hui), soit proche du
ColorMatch qui était lui-même un profil de moniteur
haut de gamme de la décade précédente. D'un autre
côté, il est normal qu'on se retrouve à
côté du gamut sRGB, puisque ce profil résulte d'une
proposition de standard acceptable par tous les appareils vidéo ou
photo-numériques.
Ces profils correspondent respectivement à une impression
d'Epson 2000P sur papier Epson Premium Semi-Glacé
et à une impression d'Epson 2100 sur papier Ilford
Galerie Smooth. Ces gamuts dépendent fortement du papier
utilisé.
Rappelons que notre premier profil d'Epson 2100 a précisément
été obtenu avec un système à
spectrocolorimètre, indépendant de notre système Monaco
EZ-Color et a priori beaucoup plus performant.
Il n'y a donc pas de cercle vicieux dans notre
raisonnement
...titre indicatif seulement, car la mesure
est assez délicate et nous n'avons peut-être pas
opéré au mieux. La mesure a été faite en plein
soleil avec un système Monaco.
Comme nous l'avons dit plus haut, cela exigerait de manipuler des fichiers
couleur avec 48 bits par pixel. Dans Photoshop 7, la plupart des fonctions
de correction colorimétrique fonctionnent sur de tels fichiers, mais
pas les fonctions «filtres».